Restauration : entre optimisation et rupture, un modèle à réinventer

Article rédigé comme analyse pour le marché français et européen — utile à la réflexion pour l’Afrique.

Restauration : entre optimisation et rupture, un modèle à réinventer

Le secteur de la restauration traverse une période contrastée. Selon les observations du marché, « environ un acteur sur deux affiche aujourd’hui de bonnes performances ». Pour les autres, « il n’est pas trop tard. Bougez, repositionnez, foncez… » Ce constat invite à une remise en question des modèles économiques et à une réflexion stratégique urgente.

Quatre leviers classiques pour développer son chiffre d’affaires

Historiquement, les restaurateurs disposent de quatre grands leviers pour stimuler leur croissance :

1. Augmenter la dépense moyenne

Augmenter le ticket moyen peut améliorer la rentabilité, mais attention au risque de dépositionnement. Comme le note l’analyse : « Se dépositionner, c’est souvent avoir des tarifs que les clients trouvent injustifiés, ce qui provoque inéluctablement un décrochage de fréquentation. » Il convient aussi de distinguer le ticket moyen de la transaction moyenne, notamment dans un contexte où la livraison et les commandes groupées se multiplient.

2. Accélérer la vitesse de service

Gagner du temps au moment du choix et du paiement (pour la vente à emporter) ou augmenter la rotation des tables (pour le service assis) peut dégager de la capacité et générer du chiffre. Toutefois, « attention de ne pas être expulsatoire et d’oublier le “service” de plus en plus attendu par les clients. »

3. Accroître le trafic

Attirer davantage de clients est un levier direct de croissance, mais il implique des capacités réelles : surfaces suffisantes, places assises, et équipes de salle dimensionnées et efficaces.

4. Fidéliser

La fidélisation reste un pilier : faire revenir un client coûte moins cher que d’en conquérir un nouveau. Programmes, expérience cohérente, qualité produit et proximité relationnelle sont des leviers clés.

Une cinquième voie : élargir son territoire de marque

Au-delà des leviers classiques, le brand stretching permet d’ouvrir de nouveaux segments de marché sans créer une marque de zéro. « C’est une façon de développer son chiffre d’affaires plus rapidement, moins coûteuse et moins risquée que de lancer une nouvelle enseigne. »

Exemples : un chef étoilé qui lance une offre rapide, une chaîne de burgers qui propose une gamme végétale, ou un café qui développe une épicerie fine.

La disruption : innovation de rupture ou simple optimisation ?

Ces dernières années, la disruption s’est imposée comme une réponse possible : casser son modèle pour ouvrir ses gammes et élargir au plus grand nombre. Contrairement à l’innovation incrémentale qui optimise l’existant, la disruption réinvente l’usage (ubérisation, nouvelles plateformes, diversification forte).

« Casser son modèle pour ouvrir ses gammes et élargir au plus grand nombre. »

— Extrait de l’analyse sectorielle

Parmi les exemples de rupture ou d’adaptation majeure : Uber Eats (livraison), Airbnb (logement vs hôtel), Netflix (contenu vs cinéma), et même des enseignes traditionnelles qui commercialisent des produits inattendus.

Quelques exemples dans la restauration

  • Des étoilés Michelin qui se lancent dans la restauration rapide ou le drive.
  • McDonald’s qui teste un service à table (format hybride).
  • Des chaînes SAT (service assis traditionnel) qui développent la livraison.
  • Des pâtissiers renommés qui innovent dans le salé.
  • Des hôtels qui se positionnent d’abord comme destinations gastronomiques.

Ces exemples montrent que la frontière entre segments s’estompe : la diversification et l’expérimentation deviennent la norme.

Quelle stratégie adopter ?

La question centrale reste : faut-il privilégier l’innovation de rupture ou l’optimisation de l’existant ? La réponse n’est pas binaire. Pour la plupart des acteurs, une approche hybride — mêlant optimisation opérationnelle et expérimentation disruptive — semble la plus pertinente.

Enseignements pour l’Afrique

Si cette analyse s’ancre d’abord sur le marché français et européen, elle offre des enseignements précieux pour l’Afrique : une classe moyenne émergente, une digitalisation accélérée et des attentes nouvelles en matière d’expérience client créent un terrain propice à l’adoption d’approches hybrides. Comme le souligne un expert : « L’Afrique n’a pas besoin de reproduire les modèles européens, mais de s’en inspirer pour inventer les siens. »

Conclusion

Entre optimisation et rupture, la restauration est engagée dans une transformation profonde et continue. La clé est de trouver un équilibre entre performance économique, expérience client et pertinence de marque. « Nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion stratégique pour survivre et continuer à croître. »


D’après une analyse de Bernard Boutboul, Président de Gira.